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Thèse

"Environnement et Management Stratégique des PME :
le cas du secteur Internet"
par Gaël GUEGUEN, Université Montpellier I

 

CONCLUSION : De la capacité d'action des PME


Cette thèse a évalué le potentiel anti-déterministe des PME, à savoir la possibilité d'adopter des comportements stratégiques en marge des contraintes de l'environnement, sur deux groupes d'entreprises, à des fins de comparaison. L'un était constitué de PME liées au secteur Internet (162 entreprises), l'autre se composait de PME appartenant à plusieurs secteurs (80 entreprises). Notre démarche fut donc d'infirmer les thèses déterministes postulant l'alignement et le conditionnement de la stratégie à l'environnement. Le cadre d'étude portait sur les petites entreprises qui sont fréquemment envisagées sous l'angle d'un déterminisme prononcé que nous avons nommé fatalisme. En fonction de ces prémices, nous avons voulu mesurer si l'intensité de l'environnement, correspondant aux dimensions de complexité, d'incertitude, de dynamisme et de turbulence, avait une influence significative sur quatre types de comportements stratégiques (de positionnement, entrepreneurial, de souplesse organisationnelle, de pérennisation collective), sur la performance et sur le lien stratégie - performance.

En termes de résultat, nous pouvons déjà indiquer que les perspectives volontaristes sont applicables aux PME et que les stratégies entrepreneuriales apparaissent importantes dans l'étude des PME Internet.

Nous allons présenter les conclusions de notre travail en plusieurs étapes : nous allons d'abord effectuer une synthèse générale des résultats (1) puis nous en discuterons les implications (2). La synthèse et les commentaires effectués, nous discuterons les apports éventuels de notre travail (3). Nous envisagerons enfin les limites de notre recherche (4) tout en suggérant des pistes de réflexion pour des travaux futurs (5).


1. Synthèse et analyse des résultats

Méthodologiquement, nous avons interrogé les entreprises de nos deux échantillons à l'aide d'un questionnaire présent sur Internet. Ce mode d'administration avait pour intérêt de comporter des fonctionnalités automatisées permettant l'explication de certains termes ou le contrôle des non-réponses. Notre traitement des données a utilisé plusieurs types d'outils entraînant différentes analyses statistiques (de variance, discriminante, de régression, de régression modérée avec terme d'interaction, en sous-groupes,...) en fonction de nos propositions de recherche.

A l'issu de ce travail, cinq propositions de recherche ont donc été testées. Voici les résultats pour l'ensemble de nos échantillons :
P 1 : nous avons vérifié la proposition selon laquelle le secteur modifie les attributs environnementaux, stratégiques et de performance des PME [1] (l'attribut environnemental est partiellement validé) ;
P 2 : nous n'avons pas vérifié la proposition selon laquelle l'environnement perçu des PME conditionne leurs choix stratégiques [2] ;
P 3 : nous avons vérifié la proposition selon laquelle les stratégies des PME conditionnent leur performance [3] ;
P 4 : nous avons vérifié la proposition selon laquelle l'environnement perçu des PME conditionne leur niveau de performance [4] ;
P 5 : nous n'avons pas vérifié la proposition selon laquelle l'environnement perçu des PME modifie la relation stratégie - performance [5].

En termes de représentation, notre modèle de recherche prend la forme suivante à l'issue des tests menés :

Schéma c.1 : Résultats globaux

L'environnement global a bien une influence sur les divers critères envisagés puisque le secteur révèle une influence (proposition 1). Les choix stratégiques dépendront donc de cet environnement général, tout comme la performance ou les caractéristiques du contexte. Cependant, lorsqu'on essaye d'identifier avec précision l'environnement nous ne pouvons mesurer significativement des interactions avec la stratégie. Nous n'arrivons pas à démontrer que le choix des PME est soumis à l'influence des variables environnementales (proposition 2) ou que la relation stratégie - performance connaît une influence de ce type (proposition 5).


Il semble donc que les choix stratégiques s'effectuent hors du contexte environnemental (proposition 2) et influencent l'obtention de la performance (proposition 3) : la PME fait donc acte de volontarisme. Mais dans le même temps, l'environnement sectoriel (proposition 1) et les caractéristiques de cet environnement (proposition 4) conditionnent les résultats obtenus : la PME est liée au déterminisme environnemental. Il existe donc un double effet. La PME, selon notre travail, dispose d'une marge de manoeuvre stratégique au sein des contraintes de l'environnement. Il apparaît une coexistence de déterminisme et de volontarisme.


Le schéma c.1 représentait la synthèse des validations ou invalidations obtenues en fonction des deux groupes d'entreprises. Cette synthèse s'effectue à poids égal, par exemple, si une relation est vérifiée partiellement dans un échantillon et pas du tout dans l'autre, nous considérons que la liaison n'est pas vérifiée car insuffisamment générale. En revanche, si la liaison est vérifiée pour l'un et non vérifiée pour l'autre, nous considérerons qu'il s'agit d'une vérification partielle. Si nous effectuons la représentation en fonction de l'appartenance ou non à Internet, nous obtenons les deux représentations suivantes :


Schéma c.2 : Résultats selon le secteur d'activité


Par ailleurs, notre travail empirique nous a permis de mettre en évidence certains éléments que nous jugeons importants :

Les PME Internet perçoivent un dynamisme et une turbulence de l'environnement significativement plus élevés que les PME non Internet. De plus, leur niveau de performance est plus fort.

Notre mesure des dimensions de l'environnement montre que le nombre d'acteurs environnementaux, pris en considération dans la décision des PME, n'est pas forcément relié à une perception plus incertaine, complexe, dynamique ou turbulente de l'environnement. De plus, le dynamisme envisagé comme la simple mesure des changements au sein de l'environnement n'est pas significativement relié à un plus haut niveau d'incertitude. En revanche, notre mesure de la turbulence apparaît comme une échelle pouvant synthétiser l'intensité de l'environnement.


Le comportement stratégique de positionnement est l'orientation la plus souvent sélectionnée par les PME quel que soit le secteur d'activité. Cependant, les PME Internet adoptent plus fréquemment un comportement entrepreneurial que les PME non Internet.


Pour les PME Internet, une perception de dynamisme entraîne la sélection du comportement entrepreneurial et diminue la sélection d'un comportement de positionnement. Ce résultat, unissant dynamisme et entrepreneuriat, confirme ceux obtenus par Miles et al. (2000), Miller (1988), Luo (1999) ou Zahra (1993a). Contrairement à Miller (1983) nous obtenons un lien significatif pour les petites entreprises. En revanche, Miller et Friesen (1983) considèrent qu'il y a un lien plus fort entre comportement entrepreneurial et dynamisme pour les entreprises performantes.

Au sein de notre étude, nous constatons que pour les PME Internet le comportement entrepreneurial entraîne un meilleur niveau de performance. Pour les PME non Internet, cette relation existe mais à un degré moindre. Ce résultat tend à confirmer ceux obtenus par Becherer et Maurer (1998), Luo (1999), Wiklund (1999), Brown et Kirchhoff (1997) ou Zahra (1993a) mais pas ceux de Dess et al. (1997). Afin de relativiser ce type d'opposition, Covin et Slevin (1989) considèrent que la stratégie entrepreneuriale des petites entreprises permet un meilleur niveau de performance en fonction de l'hostilité de l'environnement. Miles et al. (2000) portent le même jugement mais en ce qui concerne les environnements dynamiques. Zahra (1993b) suggérera que l'impact d'un comportement entrepreneurial ne se limite pas uniquement aux dimensions financières.

D'une façon plus générale, Dess et al. (1997) estiment que le comportement entrepreneurial doit être envisagé en fonction de plusieurs paramètres au sein d'une approche configurationnelle. Cependant, nos tests, menés sur l'effet modérateur du dynamisme, ne sont pas probants, comme ceux de Becherer et Maurer (1998). Par ailleurs, tout comme Brown et Kirchhoff (1997), nous ne constatons pas d'effets modérateurs de la turbulence sur le lien entrepreneuriat - performance. En revanche, nous avons pu constater que la complexité qualitative a un effet modérateur.


La perception d'incertitude diminue le niveau de performance, la perception de dynamisme l'augmente. Cependant, l'importance des dimensions de l'environnement a un très faible impact sur la relation stratégie - performance. L'impact du dynamisme sur la performance est vérifié par Becherer et Maurer [6] (1998) ou Mc Arthur et Nystrom (1991).

En fonction du test de nos propositions et des résultats mentionnés ci-dessus, nous obtenons donc deux résultats :

1. La perspective déterministe existe mais son importance est à relativiser. Nous validons donc les propositions théoriques de Hrebiniak et Joyce (1985), dans le cadre d'étude des PME, selon lesquelles déterminisme et volontarisme sont des dimensions indépendantes.

2. L'anti-déterminisme (limitation de la contrainte) est plus prononcé pour les PME non Internet que pour les PME Internet. Il existe donc une dissimilitude de résultat en fonction du secteur d'appartenance.

1- Le déterminisme est présent à plusieurs niveaux. Nous pouvons noter certains effets de l'environnement sur la stratégie ou sur la relation stratégie - performance sans pour autant penser que ces effets sont déterminants. En revanche, l'appartenance au secteur d'activité ou l'impact de l'environnement sur le niveau de performance sont bien présents. Il semble donc apparaître une influence relativement indépendante de la stratégie (P3) et de l'environnement (P4) sur le niveau de performance des PME de notre étude. Cette indépendance résulte de la non vérification de nos secondes et cinquièmes propositions. Il existe une autodétermination de la part des entreprises de petite dimension à sélectionner des comportements stratégiques spécifiques. La théorie du choix stratégique est ainsi supportée partiellement par nos résultats. Cependant, l'environnement va conditionner le niveau de performance. De ce fait, nous pensons qu'il faut relativiser l'importance du contexte dans le choix des stratégies des PME. Nous reviendrons sur les implications attendues dans quelques instants.


2- Dans le cas des PME Internet, l'environnement conditionne partiellement la performance et la stratégie, tandis que la stratégie a une influence partielle (uniquement à travers le comportement entrepreneurial) sur la performance. Pour les PME non Internet, l'environnement influence partiellement la performance et un lien clair apparaît entre stratégie et environnement. En revanche, nous n'identifions pas de liaison forte de l'environnement sur le couple stratégie - performance. L'aspect déterministe est plus prononcé pour les entreprises de l'Internet mais essentiellement par les aspects de dynamisme. Comme cette dimension est forte, comparativement aux résultats des PME non Internet et comparativement aux autres dimensions [7], nous pouvons penser qu'une intensité très élevée de certaines dimensions de l'environnement entraîne l'apparition de comportements de suivi. De ce fait, cela nous conduit à estimer que le déterminisme de l'environnement se manifestera à des niveaux très élevés. C'est pour cette raison que nous parlerons de marge de manoeuvre pour la PME. Le choix stratégique est possible jusqu'à un certain stade d'intensité de l'environnement. Passé ce seuil, l'influence de l'environnement devient prépondérante et la logique déterministe prévaut. De plus, le fait que certaines PME de l'Internet soient distantes de leurs clients peut permettre d'expliquer ce résultat puisque nous fondons partiellement notre perspective du volontarisme sur la notion de proximité environnementale.

2. Implications de nos résultats : pour une relativisation de l'importance de l'environnement dans le management stratégique des PME

Nos résultats nous permettent de discuter deux implications majeures : celles concernant l'anti-déterminisme des PME, que nous aborderons sous l'angle de l'importance relative de l'environnement, et celles concernant les entreprises de l'Internet.


Implications concernant le volontarisme des PME

La réflexion précédemment menée nous a permis de mettre en évidence que la PME pouvait être analysée sous l'angle déterministe jusqu'à un certain stade de l'intensité de l'environnement. Ce stade, non calculé empiriquement, est considéré comme élevé puisque seul le dynamisme nous semble amorcer cette constatation. Surtout, nous avons mis en avant le fait que, si nous acceptons l'idée qu'un déterminisme environnemental existe, la PME dispose d'une capacité d'action non nulle. L'entreprise de petite taille peut développer des stratégies en marge des contraintes du contexte. Si cette idée a déjà été envisagée (Guilhon, 1998b) nous en donnons une preuve empirique. De la même manière, nous pouvons supposer que nous validons les propositions de Hrebiniak et Joyce (1985) qui considèrent que déterminisme et volontarisme peuvent coexister. L'implication théorique qui en découle est sa validation dans le champ d'étude des entreprises de petite dimension.

Les thèses du déterminisme et du volontarisme s'opposent en apparence, mais nous avons vu que Hrebiniak et Joyce (1985) ont tendance à les associer. Nous nous inscrivons donc dans ce courant de pensée pour lequel déterminisme et volontarisme coexistent. Un certain degré de contrainte peut être décelé mais ce niveau n'annihile pas toute volonté de l'entreprise. Tout comme Bourgeois (1984) nous pensons que le management est une activité créatrice qui se conceptualise entre liberté et déterminisme. En outre, nous pensons que ce schéma de pensée est applicable à la PME.

De ce fait, nous estimons que l'action stratégique des PME doit être envisagée comme principalement axée sur les ressources et compétences de l'entreprise. Cette perspective, issue de la théorie des ressources (Wernerfelt, 1984, Teece et al., 1997, Hamel et Prahalad, 1989), nous entraîne à penser que le développement des capacités propres à l'entreprise est suffisamment important pour parvenir à un niveau de performance satisfaisant tout en se démarquant des contraintes du contexte. Le plus important n'est pas de s'aligner sur l'environnement mais de développer les capacités de l'entreprise. L'autodéterminisme, à savoir la possibilité de formuler et d'appliquer librement des orientations stratégiques, est envisageable bien que la taille de l'entreprise soit réduite.


Implications concernant les PME Internet

L'éventuelle spécificité des PME Internet apparaît en termes de dimensions de l'environnement. Le dynamisme et la turbulence sont significativement élevés. En outre les perspectives entrepreneuriales trouvent un champ d'étude favorable pour ce type d'entreprise. Le niveau de performance est également significativement supérieur aux entreprises non Internet. Pour autant, le rapport à l'environnement laisse suggérer une approche classique, le contexte ayant une influence sur le choix de la stratégie et sur la performance. De ce fait, l'éventuelle spécificité des PME Internet est à relativiser.

Nous n'obtenons pas des résultats tendant à prouver que le secteur d'activité Internet entraîne un anti-déterminisme élevé. Nous avons remarqué, lors du second chapitre, qu'un ensemble de "lois" ou de régularités sont envisagées dans l'étude de la nouvelle économie. Peut-être que celles-ci s'appliquent directement à nos entreprises. N'ayant pas développer des mesures spécifiques concernant ce type d'influence, nous ne statuerons pas de manière irrévocable.

Nous pouvons cependant penser que le management de ces entreprises nécessite une meilleure prise en compte du caractère évolutif et menaçant de l'environnement. L'utilisation de stratégies visant à innover, à prendre des risques, à être proactif entraîne une meilleure performance que des stratégies basées sur la simple passivité ou réactivité. De ce fait, et cela vient à la suite de nos conclusions sur le volontarisme des PME, nous estimons que la créativité, issue des compétences internes aux entreprises de petite taille de l'Internet, doit être développée afin d'être pleinement valorisée. Cependant, se pose la question de savoir si la PME dispose de suffisamment de temps pour générer et tirer profit de ces comportements stratégiques.


3. Apports de notre travail

Nous allons envisager nos éventuels apports en fonction de trois directions classiquement retenues : la théorie, la méthodologie et la pratique.


Apports théoriques

Nous avons transposé des concepts théoriques destinés aux grandes entreprises dans le champ de la PME. Le volontarisme, dans sa conception anti-déterministe, était jusque-là réservé aux entreprises importantes possédant un pouvoir présumé sur un large environnement. La taille de l'environnement ne nous apparaît pas comme l'élément à considérer prioritairement. Il vaut mieux envisager l'environnement pertinent qui se révèle, pour la PME, un environnement proche. De ce fait, la notion de pouvoir perd quelque peu de son intérêt. Ces éléments nous ont permis de considérer que la PME pouvait être intégrée dans la théorie du choix stratégique. Elle dispose une capacité d'autodétermination. De ce fait, nous espérons inciter un ensemble de travaux poursuivant notre voie et qui remettront en cause les perspectives du fatalisme environnemental.

D'autre part, notre travail est une étude conceptuelle sur l'environnement des PME. Ce type de recherche est, à quelques exceptions (Silvestre et Goujet, 1996 ; Chappoz, 1991), assez rare car généralement les travaux sur la PME vont partir de l'idée que l'entreprise de petite dimension est déterminée par son contexte et, de ce fait, une étude raisonnée semble peu intéressante. Nous militons donc pour un accroissement du nombre de travaux de ce type.

Nous avons pu noter au cours du deuxième chapitre qu'il existait des difficultés quant à l'interprétation des travaux portant sur les dimensions de l'environnement. En insistant sur le caractère synthétique de certaines variables, nous espérons avoir apporté une lumière supplémentaire sur cet élément du management stratégique. L'étude générale de l'environnement doit essayer d'identifier la multidimensionnalité théorique des construits.

Notre travail sur le secteur Internet et par delà sur celui de la nouvelle économie peut être considéré comme une tentative de décryptage. C'est en disposant de travaux portant sur un certain type de terrain de recherche, que les analyses ultérieures gagneront en intérêt. Nous jugeons notre contribution comme une étape pour un champ d'investigation aux multiples possibilités.


Apports méthodologiques

Notre travail a porté sur une conceptualisation de l'étude du rapport environnement - stratégie. A la suite de travaux sur ce thème (Venkatraman et Prescott, 1990 ; Drazin et Van de Ven, 1985 ; Mc Arthur et Nystrom, 1991 ; Venkatraman, 1989a ; Venkatraman et Prescott, 1990), nous avons essayé de transposer et d'utiliser la méthode du test de l'effet modérateur au champ de recherche de la PME. De plus, nous avons essayé de proposer une mesure de l'anti-déterminisme en fonction de différentes propositions permettant de déceler l'impact de l'environnement.


Notre recherche a présenté l'utilisation d'un nouvel outil de recueil d'information. Par bien des aspects, l'administration du questionnaire par Internet semble pouvoir suppléer l'administration par voie postale. Le travail effectué confirme la possibilité de mener des recherches classiques en utilisant ce mode d'enquête. De ce fait, nous pensons être rentrés dans une démarche de réflexion et de diffusion, au monde académique, de cet outil.


Nous avons également développer une mesure et une échelle de la turbulence environnementale qui nous semble synthétique et ainsi correspondre aux perspectives de la littérature (Emery et Trist, 1964 ; Mac Cann et Selsky, 1984 ; Woodward, 1982 ; Joffre et Koenig, 1981 ; Dess et Beard, 1984). Cependant, les effets mesurés sont assez neutres. En conséquence, il faudrait poursuivre le test de notre opérationnalisation pour mieux vérifier la validité de prédiction.


Apports pratiques

Nous avons développé une grille d'analyse pour le conseil en stratégie permettant d'envisager la réussite d'actions stratégiques effectuées indépendamment de l'environnement. De ce fait, nous pouvons inciter les dirigeants de petites entreprises à développer de nouvelles capacités, à atteindre de nouveaux marchés, à développer et combiner au mieux leurs ressources tangibles et intangibles propres. Plutôt que de rechercher un alignement systématique avec les modifications pressenties de l'environnement, le dirigeant trouvera un apport théorique, au sein de notre travail, lui donnant la possibilité de ne pas agir uniquement en fonction du contexte. La liberté d'action de la PME est possible, encore faudra-t-il qu'elle sache développer à bon escient son potentiel.

Les applications de notre méthode de recueil de données peuvent s'appliquer au monde économique. Outre les interactivités, largement développées depuis notre première mise en ligne, ce sera notre travail concernant l'analyse du taux de réponse en fonction du type d'adresse électronique qui peut être envisagé à plus grande échelle pour le marketing des entreprises. En conséquence, notre apport ne se limite pas seulement au monde scientifique. De plus, le découpage des différents taux de réponse en fonction du taux d'accessibilité et du taux de visite peut permettre une amélioration de la gestion des questionnaires en ligne.

Notre approche de l'Internet, permet de mesurer scientifiquement et raisonnablement un ensemble de phénomènes. De ce fait, nos réflexions et nos conclusions peuvent servir pour tout travail d'analyse avant investissement sur ce secteur d'activité. De plus, cet apport peut être utile aux pouvoirs publics quant aux grandes orientations à développer pour l'Internet. Les perspectives entrepreneuriales doivent, par exemple, y être favorisées. En conséquence, notre travail permet de mieux comprendre les comportements stratégiques de ces PME. Nous avons voulu dresser un cadre scientifique pour étudier ce phénomène.


4. Les limites de notre recherche

En plus de celles déjà mentionnées tout au long de notre travail, nous souhaiterions mettre en évidence des limites particulières qui peuvent gêner l'interprétation et la compréhension de nos résultats. De ce fait, nous espérons pouvoir prolonger notre travail de recherche en évitant les difficultés constatées.

Tout d'abord, nous devons remarquer que les effets mesurés ne concernent que certaines dimensions de l'environnement (complexité, dynamisme, incertitude, turbulence) et seulement quatre types de comportements stratégiques. Le choix de ce procédé s'est effectué en fonction de travaux ultérieurs (Luo, 1999 ; Becherer et Maurer, 1998 ; Mc Arthur et Nystrom, 1991). Si nous avions poussé notre recherche en termes de niveaux d'environnement ou en fonction des acteurs (Bourgeois, 1980), les résultats auraient pu être différents. Il en reviendrait de même si nous avions envisagé d'autres orientations stratégiques. N'ayant pas effectué ce type de démarche, nous resterons dans une expectative dynamique. Expectative car nous voulons être prudents quant à la généralisation de nos résultats, en l'occurrence l'ensemble des réserves mentionnées présentement, et ainsi attendrons-nous avant de statuer définitivement ; dynamique car nous souhaitons poursuivre ce travail de telle manière à envisager d'une façon plus globale le lien unissant environnement et PME.

Par exemple, les approches configurationnelles (Miller, 1986 ; Venkatraman et Prescott, 1990), intégrant les aspects organisationnels, peuvent être un prolongement de notre recherche [8]. Hatton et Raymond (1994) suggèrent que l'étude de la cohérence entre l'environnement, la stratégie, la structure, les individus, les tâches et la technologie permettent d'expliquer la réussite des petites entreprises. Cela est d'autant plus intéressant, car il apparaît que les PME peuvent adopter plusieurs formes organisationnelles (Leray, 1999).


Nous avons volontairement envisagé le fait que la réaction découle de la perception d'une situation de l'environnement. C'est ainsi que nous avons adopté une mesure subjective des dimensions environnementales. Cependant, nous pouvons également interpréter nos résultats comme le manque de cohérence entre les actions stratégiques des PME et l'interprétation du contexte. Les entreprises étudiées peuvent développer des stratégies qui par nature sont inefficaces en regard de l'environnement. De ce fait, nous ne pouvions nous attendre à obtenir des résultats probants. Une mesure objective de toutes les variables aurait été plus pertinente. Face à cette difficulté, nous noterons que ce type de mesure est régulièrement utilisé dans notre domaine de recherche. De plus, nous ne saurions concevoir pour quelles raisons les dirigeants de petite entreprise ne peuvent identifier des stratégies pertinentes. Certes, nous acceptons l'idée que leur système d'information est moins efficace que celui des grandes (Lang et al. 1997) ou que la formulation de leurs orientations stratégiques repose sur un processus intuitif (Julien, 1990), mais nous ne pensons pas que la totalité des entreprises de moins de 250 salariés soit incapable de mener des actions stratégiques cohérentes.

La taille de nos échantillons pose problème. Nous avons mentionné précédemment cette difficulté dans la mesure de l'effet modérateur. Nous réitérons notre remarque en constatant que les deux groupes de contrôle ont un poids inégal. Ce problème de sous-représentation des PME non Internet ne peut être lié uniquement à notre méthode d'administration du questionnaire puisque nous avons constaté que l'appartenance au secteur Internet n'était pas excessivement prépondérante dans le taux de réponse. Il est vrai que nous n'avons pas axé tous nos efforts afin de parvenir à une représentation équivalente quel que soit le groupe de contrôle. De ce fait, les résultats du second échantillon perdent un peu de leur pertinence.


5. Perspectives de recherche

Les perspectives de recherche que nous envisageons sont de quatre ordres et peuvent se combiner :

Méthodologiquement, nous nous sommes efforcé de respecter les contraintes des théories déterministes. Nous souhaiterions maintenant développer notre travail sur la connaissance de l'environnement des PME en adoptant une perspective plus qualitative. Les thèses de l'enactment nous apparaissent comme pertinentes et peuvent nous aider à identifier les éléments environnementaux jugés comme importants pour les entreprises de petite dimension. De plus, nous avons souscrit à des perspectives réductionnistes qui ne se sont pas déployées à d'autres catégorisations de la recherche (par exemple la théorie configurationnelle ou la théorie des ressources).


Notre idée de fonder la proactivité et l'anti-déterminisme des PME sur le quadruple effet de l'environnement de proximité, de la vision stratégique du dirigeant, du développement de stratégies réticulaires et de la création de nouveaux marchés [9] repose sur des hypothèses que nous n'avons pas cherché à vérifier dans cette présente recherche. De ce fait, nous souhaiterions identifier les antécédents du volontarisme des PME empiriquement et ainsi tester nos propositions.


Les perspectives de réflexion que nous avons amorcées sur le secteur Internet et par delà sur la nouvelle économie nous semblent largement insuffisantes pour l'instant. Comparativement aux effets pressentis lors de la lecture de travaux portant sur cette nouvelle conception de l'entreprise, nous obtenons des résultats assez classiques. Certes, le niveau de performance est plus élevé ou les stratégies entrepreneuriales sont plus souvent employées mais le rapport à l'environnement ne semble démontrer aucun anti-déterminisme élevé, au contraire. De ce fait, notre perspective de recherche serait de continuer à orienter notre travail sur la nouvelle économie en nous intéressant prioritairement aux sources de spécificités, notamment en adoptant une démarche exploratoire quant aux stratégies utilisées. D'ailleurs, les résultats obtenus pour la stratégie entrepreneuriale nous incitent à rentrer dans la perspective du "Corporate Entrepreneurship" (Miller, 1983 ; Zahra, 1993a ; Miles et al., 2000 ; Covin et Slevin, 1989 par exemple) qui porte sur les implications des stratégies innovantes et risquées des entreprises.


Par ailleurs, nous rajouterons que le processus d'administration utilisé nous est apparu comme efficace. Nous souhaiterions développer notre travail afin d'accroître l'interactivité entre le chercheur et les entreprises. Ce souhait ne se résume pas seulement à la simple amélioration des méthodes d'administration d'enquêtes. Nous cherchons à développer un ensemble d'outils Internet pouvant améliorer la qualité des recherches en management stratégique afin d'accroître la proximité des différents acteurs malgré l'éloignement géographique. Internet, selon nos vues, doit être utilisé en termes de recueil, de diffusion, de communication et de discussion des travaux en management stratégique et intégrer un ensemble d'acteurs qui n'ont pas toujours accès à ce type de questionnement.


Ces différentes perspectives nous conduisent à vouloir prolonger nos recherches vers une meilleure compréhension du management stratégique au sein des PME. Nous pensons que notre travail a permis la validation empirique d'une certaine conception des comportements stratégiques de ces entreprises. Cette conception repose sur la liberté d'action et de choix. C'est ainsi que les perspectives d'analyses tendant vers le déterminisme nous apparaissent insuffisantes pour appréhender avec justesse toute la complexité des entreprises de petite dimension.

Notes :
1. Page 481
2. Page 506
3. Page 517
4. Page 527
5. Page 538
6. La mesure de la turbulence (variable testée) des deux auteurs correspond à la mesure du dynamisme.
7. Le tableau présentant le score du dynamisme (page 450) ou le graphique 4.2 représentant les différentes dimensions de l'environnement (page 452) montrent l'importance quantitative de la dimension environnementale du dynamisme.
8. Cependant, il nous semble que la taille des entreprises devrait être quelque peu supérieure à celle des PME de notre étude.
9. Ces éléments ont été envisagés dans le point 2 de la seconde section du premier chapitre.

 

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G. Gueguen - 2001
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